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À travers ses installations culinaires, Jean-Claude Chianale découvre, réfléchit et pense la forme, la texture, le goût afin de les transformer en objets graphiques et gustatifs. Selon des structures préalablement dessinées, les macarons, Panna cotta ou hosties restituent des espaces lointains ou imaginaires, des archétypes voués à disparaître. Les rêves sont éphémères. Par l’entremise du public, les immeubles, parcelles et étoiles que représentent les mets sont engloutis. Jean-Claude Chianale fait volontiers référence à l’Empire des signes de Roland Barthes et à ces nourritures japonaises décentrées, que le sémiologue qualifie d’ornements et collection de fragments. L’ingestion et la mise en place d’un rituel autour de la table, la relation entre l’hôte et l’invité font partie intégrante de l’œuvre. Dans l’installation Welcome to Panna Cotta City, la blancheur du paysage urbain dissimule la diversité des goûts de chaque bâtiment. Jean-Claude Chianale joue aussi sur la variété des formes possibles grâce à une curieuse collection d’emballages industriels. le visiteur dévore la ville blanche et s’accapare un instant la fiction qu’elle dessine. Lors des installations AA—MM_JJ—Constellation°, le graphiste reproduit la carte du ciel le soir de l’événement. Les macarons disposés sur une structure en trois dimensions transforment, sous la lumière noire, la salle d’exposition en ciel étoilé. Les astres s’éteignent, bouchée après bouchée. Dans cette course contre le temps, depuis la mise en place de l’œuvre jusqu’à sa destruction, la recherche de l’utopie déploie un graphisme sensible, en trois dimensions, un espace de communication et de partage fragile et fugace.
Caroline Bouige
« Entièrement visuelle (pensée, concertée, maniée pour la vue, et même pour une vue de peintre, de graphiste), la nourriture dit par là qu’elle n’est pas profonde : la substance comestible est sans cœur précieux, sans force enfouie, sans secret vital : aucun plat japonais n’est pourvu d’un centre (centre alimentaire impliqué chez nous par le rite qui consiste à ordonner le repas, à entourer ou à napper les mets) ; tout y est ornement d’un autre ornement : d’abord parce que sur la table, sur le plateau, la nourriture n’est jamais qu’une collection de fragments, dont aucun n’apparaît privilégié par un ordre d’ingestion : manger n’est pas respecter un menu (un itinéraire de plats), mais prélever, d’une touche légère de la baguette, tantôt une couleur, tantôt une autre, au gré d’une sorte d’inspiration qui apparaît dans sa lenteur comme l’accompagnement détaché, indirect, de la conversation. »
Roland Barthes – L’empire des signes – 1970